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Chute de l'Empire romain suite à une crise de longue durée.

La chute de l'Empire romain est un phénomène complexe résultant d'une crise prolongée plutôt que d'un effondrement soudain. Sous le règne de Marc Aurèle (années 165-180), l'Empire fut frappé par une épidémie dévastatrice, connue sous le nom de "pestoncia", qui pourrait correspondre à des maladies telles que la peste, la grippe, le choléra ou le typhus. Cette épidémie, avec un taux de létalité extrêmement élevé, décima la population, affaiblissant gravement les structures sociales et économiques de l'Empire.

Refroidissement climatique et conséquences agricoles

Parallèlement à cette crise sanitaire, des études palynologiques et divers outils archéologiques indiquent le début d'un refroidissement climatique à partir du IIe siècle, faisant chuter les températures de 2 à 3 degrés. Ce changement climatique eut des répercussions désastreuses sur les récoltes, en particulier sur la culture du blé, pilier de l'alimentation méditerranéenne aux côtés de l'orge, de l'huile d'olive et de la vigne. La baisse de rendement agricole, exacerbée par le déplacement des zones de culture du nord vers le sud, entraîna un appauvrissement général, des famines et une diminution de la population, aggravant la crise alimentaire par une baisse des rations disponibles.

La faiblesse intérieure et les invasions barbares

On pourrait penser à un effondrement rapide de l'Empire romain. Un professeur déroulait à ses élèves sur son rétroprojecteur la liste des barbares sanguinaires responsables de cette chute : Wisigoths, Vandales, Huns, Suèves, Burgondes, Ostrogoths, Hérules, Alamans, Francs. On peut établir que la chute de l'Empire romain est liée à la proie des barbares, mais pas seulement. Des circonstances climatiques ont affaibli les défenses naturelles. En l'an 406, le Rhin a gelé. Les Germains sont passé à pied sec sur la rive gauche et ont ainsi envahi les territoires romains en Gaule. Bien avant, Alaric avait déjà pillé Rome.
Même si les invasions barbares sont des faits avérés, jamais les barbares germains n'ont représenté la majorité de la population. Ils représentaient entre 10 et 15% de la population totale, ce qui n'est pas massif et insuffisant pour une submersion. Ils étaient installés grâce à un foedus. Un foedus est un contrat qui organisait leur présence au sein de l'Empire romain.
Le fœdus (traité d'alliance, pacte, convention, alliance ou contrat, soit fœdus, fœderis, substantif neutre en latin) est un traité passé entre la Rome antique et une cité ou un peuple étranger, qui prend alors le statut de cité alliée (civitas fœderata) ou de peuple fédéré.
Tous ont passé ces accords. Seuls deux peuples ne les ont pas signés : les Huns et les Vandales.
- Le chef des Huns est Attila. Ces barbares ne sont pas de culture germanique, mais ouralo-altaïque (mongol / coréen / finois / hongrois / turc). Leur pouvoir de destruction est inversement proportionnel à leur taille. Ils rasent tout, pillent, violent, réduisent en esclavage. Pour éviter leur passage, certaines villes négocient des rançons, histoire de les envoyer ailleurs. Ce peuple est le seul à avoir été chassé avec la bataille des champs catalauniques. Flavius Aetius remporta la victoire avec l'aide des germains et du pape Léon Ier. Attila se retira, il mourut d'un saignement de nez bien arrosé dans son lit (le destin est pervers).
- Le peuple des Vandales ne se fixe pas. C'est un peuple germain destructeur. Ils traversent le Rhin, traversent la Gaule du Nord au Sud, jusqu'au Nord de l'Algérie où ils s'installent jusqu'à ce que les romains les délogent ½ siècle après.

Ainsi, les romains vont passer des accords avec ces spécialistes de guerre

Contrairement donc à une croyance populaire, les invasions barbares ne furent pas la cause principale de la chute de l'Empire, mais plutôt une conséquence de son affaiblissement interne. L'Empire, en essayant de renforcer ses structures et de maintenir son fonctionnement face à ces invasions, augmenta la pression fiscale, éreintant ainsi davantage la société. Une armée croissante de fonctionnaires drainait les ressources, et les Romains ne purent plus assurer les mêmes niveaux de fonctionnement, il fallut les suppléer. La crise était donc, avant tout, une faiblesse intérieure facilitant les invasions plutôt qu'une chute brutale provoquée par des forces extérieures.

La transformation de la vie urbaine et rurale

L'aristocratie romaine, traditionnellement urbaine, résidait dans les villes où elle jouissait des théâtres, des jeux du cirque et de la politique autour du forum. Les richesses provenaient des domaines ruraux, les villae, qui assuraient leur revenu. Cependant, aux IVe et Ve siècles, la dégradation des ressources agricoles et l'augmentation de la pression fiscale poussèrent les aristocrates à fuir les villes pour s'installer à la campagne, construisant de somptueuses villas dotées de luxes urbains, comme des thermes et des salles de réception somptueuses. Par exemple, la villa gallo-romaine de Séviac dans le Gers et la villa de Chiragan à Toulouse (Musée St Raymond), en sont des témoins remarquables.
Chiragan : deux hectares d'installation d'une maison gigantesque d'un propriétaire, probablement en lien avec un empereur, qui a fait construire une villa avec des infrastructures identiques à celles de la ville en fuyant la cité. Il y avait deux parties : pars rustica (parties agricoles, champs, vignes...) et pars urbana.

Les migrations et la réorganisation urbaine

Cette migration des élites vers les campagnes eut un effet profond sur les villes. La population urbaine diminua drastiquement. On a pu mesurer une division par 15 de l'effectif des villes. La fuite des citadins devant l'insécurité et les pillages contribua à l'effondrement du modèle urbain romain. C'est un phénomène général, car la population a un sentiment d'abandon, elle est la proie de pillages, de destructions. Le modèle de « civilis » s'effrite petit à petit. Dès Constantin, les notables sont interdits de quitter la ville, étant ses protecteurs naturels. Mais quand on prend ce genre de loi, c'est déjà trop tard.
La fin de l'Empire romain est la fin de l'exaltation urbaine.
Par voie de conséquence, les monuments sont en ruine, les canalisations ne sont plus entretenues, tout est à l'abandon...

Le rôle croissant de l'Évêque

Cependant, un aristocrate ne peut pas quitter la ville, même si l'envie ne lui manque pas, c'est le chef de la communauté chrétienne : l'évêque. Latinis episcopus, dérivé de celui qui regarde depuis un point haut : le berger, le surveillant. L'évêque a la charge d'une communauté chrétienne, les églises, ecclesia en latin.
L'ecclesia est l'assemblée des citoyens.
L'eglesia est la communauté des chrétiens qui s'identifient à une cité.
L'église, le bâtiment, est le lieu dans lequel est enraciné l'évêque, en son siège, l'église cathédrale.
D'ailleurs, cette notion de siège apparaît fréquemment, Seu d'Urgell en Andorre (Seu = siège), à Lisbonne Sé Patriarcal.
Un évêque ne peut pas être ailleurs.
Le phénomène est important, un seul notable ne peut pas être ailleurs que dans la ville. C'est ainsi qu'il devient le chef de la communauté. Et lui échoient les responsabilités politiques en plus du pouvoir religieux. Il devient le chef par défaut, le chef de la structure politique dans son ensemble.

Clovis et l'Évêque Remi : La naissance d'un nouveau pouvoir

La Belgique-Seconde s'étend de la Mer du Nord et de la Manche jusqu'à la Marne. La ville principale est Reims, chef-lieu des Rèmes (Remi), une nation très réputée pour sa fidélité à Rome.  Remi a d'excellentes relations avec le roi des francs (peuple germain), Clovis. Remi est un aristocrate romain, civilisé, chef religieux accepté et respecté. Il est très différent de Clovis qui est un guerrier, massacreur, qui guerroie contre ses voisins, prélève des impôts...). Clovis est un sauvage qui ne sait ni lire, ni écrire, qui adore des dieux étranges.
On se rappelle du vase de Soissons. Lors de prise de Soissons, au moment du partage du butin, Clovis demande à ce que le vase qu'il veut restituer à son ami, l'évêque Remi, lui soit donné en plus de sa part. Tous les soldats sont d'accord, sauf un qui brise l'objet. Clovis plus tard, lors d'une revue de ses troupes, vilipende le soldat pour sa mauvaise tenue. Alors que le soldat se penche pour l'arranger, Clovis lui tranche la tête avec cette phrase : « Ainsi as-tu fait au vase de Soissons ».
Clovis ne voulait pas déplaire à son ami Remi pour lequel il avait une grande admiration. Cela illustre bien le rôle de l'évêque qu'il ne faut pas décevoir. Il se convertit au christianisme, il se marie avec une princesse chrétienne, Clotilde, fille de Chilpéric. On imagine aisément qu'il était très valorisant pour un évêque de convertir un barbare.

Conclusion : La fin de l'Empire romain et la transition vers le Moyen Âge

La chute de l'Empire romain ne fut pas un effondrement soudain provoqué par des invasions barbares, mais plutôt le résultat d'une série de crises internes prolongées. La combinaison d'une épidémie dévastatrice, d'un refroidissement climatique impactant l'agriculture et d'une pression fiscale accrue affaiblit l'Empire de l'intérieur. Les élites romaines, cherchant refuge dans les campagnes, laissèrent les villes se dégrader, tandis que les évêques prirent de plus en plus de responsabilités civiles et politiques, marquant le début de la transition vers le Moyen Âge. Ainsi, la fin de l'Empire romain fut marquée par une mutation profonde des structures sociales et politiques. Les villes se vidèrent, les campagnes s'agrandirent avec des villas somptueuses, et les évêques devinrent les nouveaux chefs de la société, préparant le terrain pour le Moyen Âge chrétien. La civilisation romaine, jadis centrée sur l'urbain et l'administratif, se transforma en une société rurale et ecclésiastique, où les responsabilités religieuses et politiques étaient désormais indissociables.

Photo : Galerie du Musée archéologique St Raymond de Toulouse, exposition de portraits de la villa Chiragan, Martres-Tolosane.

( Le 27/05/2024 )95