Le livre numérique gratuit de Eléa Coblan

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Les peuples germaniques ont un point faible : ils considèrent la succession à la fonction royale comme un domaine privé à diviser entre les enfants. À la mort d'un roi, si ce dernier a trois fils, le royaume sera divisé en trois parts, ce qui déclenchera inévitablement des guerres entre la fratrie. La succession est une phase de fragilité et les voisins en profitent. C'est un facteur d'affaiblissement. La loi salique n'est pas spécifiquement invoquée ou appliquée de manière formelle concernant la succession au pouvoir. Ce n'est que plus tard qu'elle deviendra significative, notamment dans les conflits dynastiques.

Trois grandes unités dans le royaume de Clovis :
- L'Austrasie au nord : Moselle, Champagne, Ardenne, Alsace
- La Neustrie au nord-ouest : Bassin parisien et Normandie
- L'Aquitaine à l'ouest : de la Loire aux Pyrénées
La Septimanie ou province de Narbonne correspond approximativement à la partie occidentale de l'ancienne province romaine de la Gaule narbonnaise.

Deux royaumes principaux : Austrasie et Neustrie. Les frères se font la guerre, annexent des terres et les allouent aux seigneurs pour les fidéliser, ce qui ampute le territoire. Les rois ne gagnent plus de territoire. Ce phénomène est peu marqué au VIe siècle mais devient flagrant au VIIe siècle. C'est l'épisode des rois fainéants ; cet affaiblissement est avéré. Ces derniers ne prennent plus de décisions, et la gestion des territoires est confiée aux maires du palais. Les rois perdent des moyens et de la fidélité, qu'ils avaient achetés à l'aristocratie. Ils se séparent de leurs biens, de leurs besoins.

Au début du VIIe siècle apparaît une figure, le maire du palais d'Austrasie, issue d'une famille : les Pippinides. Les hommes de cette dynastie s'appellent Pépin. Dans les années 660/670, Pépin de Herstal, puis son fils Charles Martel, deviennent maires du palais. Charles n'est pas le fils légitime de son père (ou pas le fils de sa première épouse), mais il parvient à s'imposer. Charles Martel est connu pour avoir arrêté les Arabes à la bataille de Poitiers en 732. Cependant, il ne s'agit pas d'une invasion arabe, mais d'une expédition de pillage menée par le chef d'une force musulmane. En réalité, il s'agit d'une tribu berbère arabophone venant d'Espagne et en cours d'allégeance à des souverains musulmans. Il n'y a pas eu d'invasion à proprement parler.
Charles remporte plusieurs victoires et renforce son pouvoir. Il observe les rois mérovingiens alors qu'il est maire des palais d'Austrasie et de Neustrie. Il trouve une solution à leurs problèmes financiers : il y a dans ces royaumes un gisement de richesses à distribuer dans les monastères, car leur patrimoine foncier est très important. Il transfère temporairement une partie des terres du clergé aux seigneurs. Il s'agit bien d'une spoliation, bien que cela soit présenté comme une mesure fiscale temporaire. Il se retrouve avec une réputation exécrable auprès des chroniqueurs ecclésiastiques.

Le fils aîné de Charles Martel, Pépin le Bref (bref en raison de sa petite taille), devient à son tour maire du palais. Conscient des tensions avec l'Église, il souhaite les apaiser. La période redevient favorable, avec un retour à la prospérité des campagnes. La conjoncture défavorable des VIe et VIIe siècles cesse.
Pépin le Bref invente le premier impôt universel : chacun doit prélever 10 % de ses revenus pour les verser à l’Église. Par exemple, sur les céréales, on moissonne, on bat le blé, on mesure le grain et on en prélève un dixième (dîme, decima pars). On ne restitue pas les terres, mais on assure un revenu constant aux églises sur tout le territoire du royaume. Il stabilise ainsi sa fonction et sa popularité. Il entretient de bonnes relations avec le Pape de Rome à partir du VIIIe siècle. Le Pape, confronté à un peuple germanique en Lombardie qui menace les états du centre de l'Italie, fait appel à lui. Les Lombards sont chassés mais reviennent trois ans plus tard. Pépin est alors dans la tradition de protéger le Pape.

En 750, Pépin envoie une question d'ordre général au Pape : « Dans un État, vaut-il mieux appeler roi celui qui en a le titre ou celui qui agit ? ». Le Pape répond sur le même ton : « Il vaut mieux appeler roi celui qui en a le pouvoir ».
En novembre 751, à Soissons, Pépin fait rassembler l'ost (armée franque) pour consultation. L'objectif est de déposer le dernier roi mérovingien, Childéric III, et de le déposséder de sa fonction royale. Les choses se font de façon très pacifique : lui et ses fils sont tondus et envoyés dans un monastère. Pépin le Bref et ses deux fils, Charles et Carloman, sont acclamés. On vient de passer d'une famille (les Mérovingiens) à une autre. Mais ce n'est qu'avec Charles (Charlemagne) que la dynastie des Carolingiens naîtra.

En résumé, Charles a obtenu l'appui de toute l'aristocratie, avec le soutien du Pape, ce qui lui vaut une légitimation. En juillet 754, le pape Étienne II se rend personnellement dans le royaume des Francs pour demander, une nouvelle fois, de l'aide contre les Lombards. On profite de cette occasion pour rassembler toute l'aristocratie à l'abbaye de Saint-Denis, lieu de sépulture et lien avec l'ancienne dynastie. Clovis et Clotilde sont enterrés dans la basilique Sainte-Geneviève à Paris. Le Pape procède à un rite particulier : Pépin et ses fils reçoivent l'onction. Le roi a été oint, ce qui fait de lui une personne sacrée dans une basilique mérovingienne, avec l'huile qui a oint Clovis lors de son baptême. Par la suite, tous les rois recevront l'onction de 754 à 1824, au sacre de Charles X, onze siècles plus tard. C'est le rite politique le plus vieux et le plus durable de l'histoire de France. Le roi de France n'est plus seulement un chef de guerre, mais un chef spirituel, élu par Dieu.

Photo : Le Dernier des Mérovingiens, huile sur toile d’Évariste Luminais, vers 1882-1883. Musée des Beaux-Arts de Carcassonne.

( Le 03/06/2024 )61